mardi 6 août 2013

Incubation

Bientôt la rentrée et maintenant l'incubation de mon projet professionnel. Je l'ai provisoirement intitulé "Clinique de la reconnaissance : penser les pathologies de la communication sociale, panser les atteintes à l'intégrité personnelle". Mon propos est de remonter depuis les frontières poreuses du Moi aux sources de son individuation comme Soi. J'en identifie trois moments : réclamation, réparation & réalisation. 

Commençons ici par brosser le fil conducteur et les sources d'inspiration de ce chantier. Des textes à venir dérouleront ce programme de recherche et ma clinique l'étayera. Mon propos en sera moins abrupt : ce qui ressemble aujourd'hui à une proto-fiche Wikipédia, squelette égrénant des références abstraites, gagnera en chair. Méthodologiquement, je distingue une double hélice dans cette dialectique de l’Alter Ego : diachronique (comment le “Je” s’élabore socialement au travers du “Nous”) et synchronique (comme l’altérité irrigue et transforme l’identité).

Tout part de nos souffrances et fait signe vers l'aliénation, concept qui subsume les déformations systématiques de l'intégration du Moi (corporel, psychique et social) : mépris, oubli ou déni de l'expérience vécue de l'injustice, de la domination et de l'humiliation, précoces ou actuelles. Depuis le noeud des déficits de reconnaissance, deux aspirations s'élèvent : réclamer en creux les conditions institutionnelles de l'émancipation, sur le plan de l'action conflictuelle et au travers du médium de l'espace public politique, ou bien désigner en filigrane les leviers sémiotiques (au sens de Charles Sanders Peirce) de la motivation, sur le plan de l'abandon spirituel et dans le milieu de l'"inconscient collectif" (voire de l'horizon quantique, de la "réalité non ordinaire" ou de "l'autre monde"). 

 

Pour une théorie normative du trauma : "peaux d'âme"


En réponse et en appui à ma clinique thérapeutique, il s'agit d'élaborer une théorie intersubjective du trauma (comme ce qu'il me reste de m'être vécu annihilé), laquelle libère le potentiel critique du "Moi-Peau" (Didier Anzieu) face aux distorsions de la communication, interpersonnelle ou intergénérationnelle. Cela passe aussi par une reconstruction de certaines démarches psychiatriques et psychanalytiques postfreudiennes (Janet, Bowlby, Winnicott, Searles) au contact de sources issues de la philosophie morale et sociale (Mead, Honneth, Ricoeur, éthiques du Care). Ceci pour l'axe diachronique "Socialisation <-> Individuation" : comment le Moi peut-il se construire et se stabiliser en tant que première personne ("Je"), singulière, vulnérable et interdépendante, au travers de la médiation du "Nous" ?

Sur l'axe synchronique "Individuation <-> Symbolisation", il s'agit de prolonger la distinction introduite par Stanislav Grof au coeur de la "spiritual emergency", selon l'hypothèse - prônée notamment par Djohar Si Ahmed - d'un continuum entre l'"urgence spirituelle" (relevant, selon le diagnostic psychiatrique, de la décompensation psychotique) et l'"émergence spirituelle" (accueillie et reconnue comme expansion de la conscience). On s'ouvre alors graduellement à la psychologie transpersonnelle, transculturelle et humaniste (y compris les passerelles vers les pratiques chamaniques contemporaines), à la parapsychologie et aux "expériences exceptionnelles" (i.e. les phénomènes "psi" avérés comme télépathie, clairvoyance, pré- et rétrocognition, psychokinèse), enfin aux ressources prépolitiques, religieuses ou profanes, de l'identité personnelle. Les premières sources sont, d'un côté, Ferenczi, Abraham et Torok, Jung et, de l'autre côté, les documents et travaux réunis par l'Institut Métapsychique International ou les travaux des experts en parapsychologie clinique. Comment le Moi peut-il se réaliser comme Soi par son ouverture à l'altérité ? Dans le rapport du "Je" au "Tu" se joue la reconnaissance de soi dans l'autre.

 

Société postséculière & spiritualité


Le point de vue adopté est celui performatif du participant à cette expérience transsubjective : il permet de rendre compte de la signification qu'elle peut raisonnablement avoir pour sa propre biographie (sens qui doit pouvoir être reconstruit méthodiquement et communiqué intersubjectivement entre Alter et Ego). Nous sommes donc dans un autre rapport d'interaction que celui généré par l'attitude objectivante de l'observateur. Ce dernier, guidé par des intérêts de connaissance scientifique, s'attache à déterminer la validité objective de ce qui se produit en en reproduisant l'exactitude factuelle dans des conditions expérimentales contrôlées. 

Alors, à quel besoin de la raison obéit la présente ambition de théorie normative du trauma ? Aussi loin que je puisse voir, il s'agit pour moi d'organiser une identité professionnelle en toute transparence méthodologique et, ce faisant, de rester redevable de mes actes en partageant, avec mes clients et entre pairs, les conditions de ma pratique thérapeutique. En effet, mon objectif à terme est de proposer une consultation professionnelle aux personnes vivant des expériences exceptionnelles, dans la lignée du CIRCEE, en France, ou de l'IGPP, en Allemagne. C'est également ce qui m'amène à élargir mon utilisation des états de conscience modifiés (aujourd'hui l'hypnose) à la technique de l'EMDR, pavant la voie (avec l'IADC mise au point par Botkin) à la communication avec les défunts et la résolution de deuils pathologiques. 

Dans le contexte de nos "sociétés postséculières" (au sens d'Habermas : les sociétés occidentales caractérisées par un rapport ambivalent à la religion et dans lesquelles le processus de sécularisation est inachevable), il convient à chacun de se donner les moyens d'explorer, par les voies d'une raison décomplexée, les liens entre vie psychique et expériences sacrées, en contournant les écueils excommunicationnels de la réduction scientiste, de l'endoctrinement sectaire ou du consumérisme ésotérique ou folklorique.


Peaux d'âme : une matrice triadique

NB (19 août 2013) : panser le trauma, c'est, par la pratique philosophique, envelopper l'homme-signe dans ses peaux d'âme. L'organisation de ma pensée adosse une thérapeutique éclectique (philosophe) à une systématique parasychologique (sémiotique) et l'expose dans une propédeutique humaniste (âme).

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