samedi 22 octobre 2022

Vendredi 21

La scène se passe dans un chalet. Nous sommes 6-8 personnes, à faire des expériences et à préparer des opérations dans le plus grand secret. Je ne connais pas les participant.es, ni la cible, ni la finalité de notre activité. Je sais que nous ourdissons un complot.

Nous changeons de salle pour partager nos résultats et préparer leur restitution publique. Un grand homme, maigre, roux, au ton blafard et à la peau jaune (la caricature du savant fou, tout en étant un peu repoussant), écrit sur le tableau blanc des mots en allemand, en style gothique, péniblement et sur un mode robotique. Mots que je devrais prononcer en tant que porte-parole du groupe et signature de nos travaux.

Je m'insurge et saute littéralement à la gorge de cette étrange créature, charismatique et abjecte à la fois, en lui disant que ce qu'il a écrit sur le tableau ne veut rien dire, est une caricature sordide de l'allemand, pleine de ressentiment et de règlement de comptes, et trahit nos travaux tels qu'ils avaient été élaborés et validés ensemble dans l'autre pièce.

 ***

J'ai reçu ce rêve vendredi 21 octobre 2022, au Mas de Luzière, dans le cadre d'un stage de Thérapeutique de la Kabbale. La nuit précédente, j'avais été réveillé par des battements d'ailes autour de moi : deux chauves-souris virevoltaient dans ma chambre, comme si elles me partageaient un message invisible, en ce jour anniversaire de la mort de mon père.  

Ce samedi, le point de réalisation de ma conversion spirituelle, engagée début de l'année, est atteint en recevant le rêve suivant : 

"Ce matin, quand mon réveil a sonné, j'étais occupé à expliquer aux personnes réunies autour de moi que, né dans un corps de garçon, j'étais en réalité une femme". 




mercredi 5 octobre 2022

Nécrose

 Stopper la nécrose du monde  [1]

  


Acteur du mouvement pro-climat, qu’aies-je retenu de l’interpellation de la 1e Université d’Été des Immenses (2021) ?


Et que répondre aux chapitres "Zéro déchet humain ou contre l’économie du gaspillage (humain)" (pages 28-48 & 164-183 des Actes de l’Université d’Été 2021) ?



I.    La revendication immense [2] : être respecté.e


J’en distingue trois aspects :


a)  la reconnaissance comme enjeu moral de visibilité. C’est la dignité de la prise de parole des moins-que-rien pour retourner leur stigmate contre la domination;


b)  la réparation comme enjeu social d’inclusivité. C’est la pertinence écologique des sentinelles surnuméraires pour restaurer nos mondes épuisés;


c)  la révolution comme enjeu politique d’égalité. C’est la promesse émancipatoire de l’avant-garde des laissé.es-pour-compte pour abolir les oligarchies.



II.    Préférer les "climateux" au mouvement pro-climat


Je m’exprime ici comme membre d’Extinction Rebellion Belgium.


"Climateux" : c’est ainsi que les camarades Gilets Jaunes de Belgique moquent le mouvement pro-climat. 


Dans la foulée, dissipons quelques idées préconçues. Les clichés ont la peau dure.



a)    Le mouvement pro-climat n’est pas homogène


On y trouve des méditant.es, des militant.es et des combattant.es, des automobilistes et des cyclistes, des anticapitalistes chevronné.es et des boomers repenti.es, des altruistes et des survivalistes, des croyant.es et des sceptiques, des végan.es et des carnistes, des salarié.es et des volontaires, des conspirationnistes et des conformistes.


Tout l’éventail de la société civile éco-anxieuse, des réformistes aux révolutionnaires.



b)    Le mouvement pro-climat ne s’intéresse ni aux ours polaires, ni aux pandas


Il soutient plutôt l’écologisme des pauvres, leurs luttes pour obtenir réparation des pertes et des préjudices infligés par l’extractivisme. Lequel réduit le vivant à un réservoir de ressources et à un dépotoir de déchets afin d’assouvir l’avidité du profit.


Le mouvement pro-climat s’oppose aussi au long-termisme (ou "altruisme efficace"), la nouvelle dystopie eugéniste et transhumaniste des ultra-riches.



c)    Le mouvement pro-climat ne fantasme pas la convergence des luttes


Loin des querelles byzantines dont la gauche institutionnalisée a le secret, le mouvement pro-climat prône le principe du respect de la diversité des tactiques pour obtenir, sur tous les fronts, le changement structurel du système toxique qui nous empoisonne.


Ces clarifications faites, qu’apprendre des Immenses ?



III.    Le monde est devenu immonde  [3]


Dans le contexte du "cataclysme climatique" (dixit le GIEC en 2021), les Immenses accusent les Immondes.


Les Immondes sont les structures sociales et les politiques publiques qui rendent notre monde inhabitable, à tous les échelons géographiques. L’inhabitabilité de notre Terre, le franchissement irréversible des 9 limites planétaires, c’est la fin de l’"écoumène" (Augustin Berque).


Pour les Immondes, plus rien ni personne n’est à l’abri. A commencer par les régions et les populations les plus impactées de la planète (les "MAPA", dans le jargon des climateux). Sur une planète qui brûle, nous sommes déjà tou.tes privé.es de chez-soi.


Les Immondes sont les maîtres de la "nécropolitique", ce pouvoir exorbitant et discrétionnaire de décider qui peut vivre et qui doit mourir (selon les termes d’Achille Mbembé).



IV.    Notre planète est un zoo


En tant qu’immondices, les déchets humains sont l’indice indicible de l’im-monde.



a) Ce que nous faisons

  • Prisons, camps et hospices : invisibiliser les surnuméraires.
  • Élevage, marquage et traçage : façonner les populations.
  • Confinement, isolement et rationnement : dresser les comportements.
  • Aliénation, exploitation et massification : détruire les âmes.


b)    Ce que nous nous faisons


  • En réduisant les animaux à des choses, c’est notre propre extermination comme espèces vivantes que nous préparons.
  • En traitant les animaux comme des bêtes, c’est notre propre assujettissement comme individus singuliers que nous organisons.
  • En manquant d’humanité pour les animaux, c’est notre propre capacité à rêver et à aimer que nous détruisons. 
  • La déconsidération de nos interdépendances nourrit la sidération de nos inconscients.


c)    Ce que nous nous laissons faire

 

  • Humains et animaux, nous sommes la matière première des intelligences artificielles qui gouvernent le capitalisme.
  • Animaux et humains, nos existences sont vidées de leur substance pour servir le dépaysement d’une élite hors sol.
  • Humains et animaux, nos mondes sont encapsulés dans des environnements synthétiques.
  • Animaux et humains, nos futurs sont en captivité. 


V.    Aujourd’hui que faire ?


J’identifie quatre axes stratégiques.



a)  Dés-espérer. Poser un diagnostic lucide de l’époque et faire le deuil de faux espoirs. Les riches et les puissants mènent une guerre non déclarée et sans pitié contre le vivant et personne n’est épargné.


b)  S’organiser. Face à cet ennemi, définir et escalader nos priorités d’autodéfense populaire. De manière cumulative : faire peur (déstabiliser), faire mal (désarmer) et faire l’amour (pardonner).


c)  S’enraciner. Devant ce Mal qui vient, se préparer à une résistance civile effective et non-violente. Y compris en bâtissant des bases arrières, en développant une branche clandestine et en recrutant des infiltré.es dans l’appareil d’État.


d)  Décroître. En réponse à ce diagnostic, réaliser des expériences de pensée collectives pour visualiser notre futur désirable. Par exemple : "Quelles seraient nos institutions dans un monde à +4° (par rapport à l’ère préindustrielle) et sans énergies nucléaire et fossiles, ni monnaie-dette, sans exploitation animale, sans violences sexistes et sexuelles, et sans police ni milice ?".

 


VI.    Considération finale


Nous sommes au cœur d’un combat spirituel qui se décline dans une multitude de champs de bataille où s’exprime l’enjeu existentiel ("effondrement", "extinction", "extermination", "annihilation"). Laissons-nous à des psychopathes le pouvoir discrétionnaire de décider qui peut vivre et qui doit mourir?


Ce qui est avec les Immenses est bien plus grand qu’avec les Immondes.


Cela me donne la force d’avoir le courage de poursuivre la lutte pour stopper la nécrose du monde.



[1] Intervention de Boris Libois, membre d’Extinction Rebellion Belgium, dans le cadre de la sortie officielle de Politique et immensité (Théâtre de la Balsamine, Bruxelles, 06 octobre 2022). En vidéo.

[2] "Acronyme d’Individu dans une Merde Matérielle Énorme mais Non Sans Exigences. ‘‘Immense’’ est la dénomination, ni stigmatisante ni réductrice, desdits sans-abri, sans-domicile, sans-logis, sans-papiers, SDF, précaires, mal-logés ou habitants de la rue. 1. Le mot ‘‘immense’’ est plus respectueux, sans conteste, et l’irrespect est ce dont beaucoup d’immenses se disent victimes. 2. Le mot ‘‘immense’’ n’est pas que du politiquement correct. Il y a un programme politique derrière." (p. 67, Politique et immensité).