Vortex, manifeste d'écologie non-dualiste
Diagnostic cosmopoétique* de notre époque
Le vivant est un processus continu d'auto-différenciation conduit par le Soi, étincelle en nous d'une sphère infinie dont le
centre est partout et la périphérie nulle part.
Son enjeu est de réaliser l'union harmonieuse des contraires, malgré la division sans répit des identiques, œuvre diabolique.
Dans
son mouvement, ce processus connaît des moments de dégénérescence, se
manifestant sous forme de pathologies sociales et de régressions
politiques.
Ces tendances à la crise sont exploitées et
amplifiées par des acteurs en quête d'hégémonie, déclenchant la
dédifférenciation des structures et des institutions sociales ou
l'indifférenciation des personnes et des espaces publics.
L'accélération
de ces déconnexions systémiques provoque la sidération des
organisations existantes et entraîne la déconsidération des êtres
vivants.
En santé mentale, les symptômes
d'anxiété, de désorientation et de confusion sont les conséquences de la
stratégie du choc menée par le capitalisme du désastre. Ses égrégores
malades, les fantasmes de complot, perpétuent le système destructeur.
La
surveillance de masse, la marchandisation du temps de cerveau et la
brutalisation des conflits verrouillent la réduction en zombi. Il faut
imaginer Sisyphe heureux, tel le hamster dans sa roue.
Dominée
par le dualisme, conditionnée par le matérialisme et idolâtre du
scientisme, la démesure d'avoir prétend pouvoir s'affranchir des limites
physiques de l'être, à tous les degrés de l'échelle cosmique.
L'hybris
transhumaniste effleure aussi le temps mythique où les chimères au
statut ambivalent côtoient les créatures hybrides, ce temps du rêve dans
lequel coexistent la communication spontanée avec le non-visible et les
impostures calculées par les intelligences artificielles.
La
dernière utopie avant l'extinction de notre étoile est, pour Icare, de
se laisser blesser par l'espérance et vivre humblement l'expérience de
la reliance. Embrassons la considération pour le vivant en et autour de
nous, en alternative à notre domination exorbitante sur lui.
Afin
de surmonter les résistances du passé projetées depuis le présent et
faire advenir notre nouveau futur, les voies quantiques du non-agir
interrompent la spirale mortifère en réalignant les deux foyers de
l'esprit: le Moi, centre lucide de la conscience individuelle, et le
Soi, noyau transcendant de l'inconscient collectif.
Comment
suis-je passé de l'activisme climatique au soin spirituel sans renoncer
à l'écologie politique? Il s'agit d'un changement d'attitude: je me
suis extrait du conditionnement par la dualité et ouvert à
l'harmonisation de l'être.
En 2022, j'ai
vécu une conversion bouleversante qui m'a réconcilié existentiellement
avec la puissance de vie. Depuis, j'accompagne les personnes dans leur
ouverture à l'expérience de la foi. Et à y recevoir la force d'avoir le
courage de protéger ce à quoi nous tenons.
Pas
d'autodéfense sans transcendance, pas de descendance sans décroissance. Cet
apprentissage est un fécond enseignement. Il me semble important de le
partager dans mon métier et avec mes camarades de lutte.
Du fond de sa casserole, que ressent la grenouille pour le canari dans la mine? Méditer ne nous exonérera pas de militer pour devenir le changement que nous voulons voir dans le monde. La lame de la désobéissance civile se trempe dans la forge de l'écopsychologie.
Proie furtive de la raison computationnelle, le vivant est l'Incalculable. La violence, l'incommunicabilité.
* "La sécession marronne relève d'une "cosmo-poétique" (du grec kosmos, le "monde" dans la beauté de son ordonnancement, et poiêsis la "production" d'une œuvre) : elle est "production d'un monde", création d'un "dehors" qui aura valeur de refuge et d'utopie concrète pour tous ceux et celles restés en captivité" (Dénètem Touam Bona, Sagesse des lianes, Post-éditions, 2021, p. 139).