mardi 11 juin 2013

Supervision

Partager mes cas difficiles avec un aîné, dans un esprit de dialogue entre pairs, c'est de prime abord une promenade de santé mentale. 

Comment mes propres états d'âme, troubles de l'humeur ou réponses corporelles s'invitent-ils dans le cadre thérapeutique ? Et à quelles questions dormantes me renvoient-ils ? Parfois, il suffit que je relate une situation en apparence inextricable ou simplement troublante et m'entende aussitôt décrire la solution appropriée. Une autre fois, c'est au détour d'un détail anodin que la présence bienveillante de mon interlocuteur dénoue un écheveau archaïque. 

A chaque fois, les angles morts de ma pratique professionnelle renvoient à ce qu'il me reste à travailler, afin de ciseler l'instrument que je suis pour mes clients. La supervision est une mise en abyme du miroir - ici concave, là convexe - que mes clients utilisent pour avancer. Ils survivent depuis si longtemps avec leur problème qu'ils en sont devenus experts. Reconnaître et utiliser les tendances thérapeutiques de mes clients suffit pour les affranchir de leur souffrance. Et, comme l'écrit Harold Searles, la gratitude que je ressens à leur égard est l'indicateur de la réussite de notre travail commun.

Surmonter la désintégration

La supervision me permet de déposer, à mon tour, ce que j'ai reçu en désespoir de cause et qui ne m'appartient pas : paroles sacrées, colères retenues, hontes bues, pleurs ravalés, sanglots étouffés, culpabilités destructrices, secrets de famille, empoisonnements psychiques, effractions dévastatrices, intimités intrusées, terreurs nocturnes, oripeaux étouffants, carcasses trop étroites, mânes en souffrance. Certains de ces cadeaux me collent à la peau, d'autres s'immiscent dans mes rêves, les plus espiègles s'improvisent quand mes ressources habituelles se tarissent. 

Le Moi hanté est une identité issue d'un nid d'entités. Le professionnel (le corps du thérapeute ou, après coup, l'écoute de son superviseur) accorde l'asile inconditionnel à ces fragments d'esprit désintégrés. Après être survenu et reconnu dans l'alliance thérapeutique, ce qui s'est manifesté se trouve délivré de son exil et réintègre son unité. L'espace de transition refermé, je me nettoye des scories abandonnées dans le sas. Et chaque mois, je fais le grand remue-ménage et débusque les ombres tapies dans les recoins de mon âme. 

Garantie de la qualité des services thérapeutiques, la supervision est un garde-fou.

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