Confrontées à un problème pour lequel elles ne sont pas équipées, les autorités politiques doivent concrétiser et instituer les leçons issues de l'expérience de terrain et portées par les activistes non violent.e.s.
dimanche 1 juillet 2018
Bruno Latour, "Où la ZAD donne à l'Etat une bonne leçon"
Notre-Dame-des-Landes : pour Bruno Latour,
"les zadistes doivent devenir les instituteurs de l'Etat".
Confrontées à un problème pour lequel elles ne sont pas équipées, les autorités politiques doivent concrétiser et instituer les leçons issues de l'expérience de terrain et portées par les activistes non violent.e.s.
Confrontées à un problème pour lequel elles ne sont pas équipées, les autorités politiques doivent concrétiser et instituer les leçons issues de l'expérience de terrain et portées par les activistes non violent.e.s.
Arturo Escobar, "Sentir-penser avec la Terre"
Ce "plurivers" est fondé sur un tissu de relations primordiales entre participant.e.s, humain.e.s et non-humain.e.s, lesquel.le.s négocient sans relâche leurs manières d'être et de vivre ensemble sur un même territoire.
Une introduction non académique à "l'ontologie politique relationnelle", définie comme alternatives critiques au développement durable et à la séparation factice entre culture(s) et nature. Et aussi un bel essai de décolonisation de la théorie sociale.
http://www.seuil.com/ouvrage/sentir-penser-avec-la-terre-arturo-escobar/9782021389852
Ginette Paris, "Au-delà de la honte et de l'orgueil"
Éduquer l'être en harmonie avec sa niche
existentielle. Soigner les blessures de l'âme en réhabilitant l'imagination.
Distinguer la pensée positive de la pensée magique. Développer la
complémentarité de la psychologie des profondeurs et des neurosciences cognitives.
Affranchir le symbolique du biologique et ranger le DSM-5 au placard
bureaucratique.
Tels sont les thèmes de ce texte agréable à lire, rédigé après avoir frôlé la mort par une Francaise exilée en Californie, et qu'elle présente comme une "éco-psychologie".
http://www.editions-tredaniel.com/au-dela-de-la-honte-et-de-lorgueil-p-7627.html
Tels sont les thèmes de ce texte agréable à lire, rédigé après avoir frôlé la mort par une Francaise exilée en Californie, et qu'elle présente comme une "éco-psychologie".
http://www.editions-tredaniel.com/au-dela-de-la-honte-et-de-lorgueil-p-7627.html
mercredi 2 mai 2018
Soin spirituel
Retour à unif : à l'automne, je travaillerai le thème "Comment accompagner nos transitions de vie ? Naissance, mourance, croissance" dans le cadre de l'Université des Aînés de Louvain-la-Neuve.
Nos existences sont ponctuées d’étapes inéluctables face auxquelles nous pouvons nous sentir démunis : naître, grandir, perdre, mourir. De quelles ressources disposons-nous pour faire face à ces moments? Comment partager avec nos proches les enseignements retirés de ces épreuves ? A quels enjeux et problèmes être attentif pour nous orienter avec succès dans ce questionnement ?
Le cours s’appuiera sur mon expérience clinique de l’accompagnement des adultes et des professionnels afin de clarifier quelques concepts issus de la littérature savante. En complément, il s’agira aussi d’exposer les bénéfices attendus de démarches telles que l’hypnose, la thérapie EMDR ou l’analyse de rêves.
Cette introduction personnelle aux notions de "soin spirituel" (Canada) et d’"accompagnement spirituel" (Suisse), neutre par rapport aux confessions religieuses, se déroulera en 4 séances (mercredi 10 octobre 2018, 24 octobre, 14 novembre et 28 novembre, de 09h00 à 11h00) au Centre Tonaki (1 Voie de la Petite Reine, 1348 Louvain-la-Neuve).
mardi 1 mai 2018
Olivier Piedfort-Marin et Luise Reddemann, "Psychothérapie des traumatismes complexes"
Dans le champ des thérapies brèves, les
éditions Satas nous donnent accès, en langue française, aux pratiques
professionnelles de nos collègues étrangers (principalement américains et
italiens).
Avec Psychothérapie
des traumatismes complexes. Une approche intégrative basée sur la théorie des
états du Moi et des techniques hypno-imaginatives d’Olivier
Piedfort-Marin et Luise Reddemann (2016), nous découvrons un courant à forte
renommée chez nos voisins européens de langue allemande : la « Psychothérapie
Psychodynamique Imaginative des Traumatismes » (PPIT).
Comment faire tenir ensemble les expériences
vécues du patient d’une manière qui donne du sens à sa biographie aujourd’hui
et sans qu’il retombe dans l’impuissance et le désespoir consécutifs aux horreurs
passées ?
Telle est l’ambition de plusieurs écoles
psychothérapeutiques (dont la PPIT) qui modélisent la désintégration de la
personnalité en tant que réponse symptomatique de survie psychique face à
l’insupportable : thérapie des schémas d’origine cognitivo-comportementale,
système familial intérieur, théorie des états du Moi de source psychanalytique
ou théorie de la dissociation structurelle de la personnalité inspirée de
Janet.
La PPIT se différencie de ces approches par la
priorité donnée à la compassion et à la consolation. Par la compassion, il
s’agit d’abord de reconnaître les blessures de l’enfant ou de l’adolescent
privé, à cause de carences parentales précoces, des ressources pour faire face
à la violence sexualisée. Par la consolation, il s’agit de réparer ces
blessures en mobilisant les compétences actuelles d’autoguérison obtenues en
remettant le Moi adulte au centre du processus thérapeutique.
Face aux symptômes de dissociation traumatique
(déréalisation et dépersonnalisation), la stratégie de la PPIT consiste à
renforcer la distanciation thérapeutique à l’égard des événements subis :
par la douceur, prendre du recul par rapport à l’immédiateté des ressentis et sans
se couper des expériences vécues. L’objectif est d’augmenter la fenêtre de
tolérance du patient et de faciliter sa régulation émotionnelle des épisodes
traumatiques avant, le cas échéant, de l’exposer durablement au matériau
problématique.
Concrètement, il s’agit de construire par
l’imagination une scène intérieure au patient (pleine conscience, joie, paix
avec soi-même, compassion), d’y aménager
par visualisation des espaces sécurisés et protégés (lieu sûr, coffre-fort, arbre,
jardin intérieur), d’y convoquer des figures bienveillantes (références
symboliques, parents idéaux, sagesse intérieure) et de laisser ensuite chacun
des complexes (parts blessées ou malveillantes) entrer en scène et dialoguer pour reconstituer l’unité de la
personne, sous
l’autorité rassurante et réconfortante de l’observateur intérieur (Moi adulte).
Fruit d’une riche expérience professionnelle
en contexte psychiatrique, ce livre fourmille d’outils pleins de douceur pour
accompagner les survivants de traumatismes complexes dans leur dialogue interne
guérisseur. Les psychothérapeutes de toute obédience bénéficieront aussi des
enseignements sur l’importance du cadre de travail issus d’une longue pratique
de supervision psychanalytique.
lundi 23 avril 2018
Cyrille J.-D. Javary, "Yin-Yang. La dynamique du monde"
(Lecture) Yin-Yang, c'est comme les pieds sur les pédales d’une bicyclette, aurait dit Bruce Lee pour décrire l’esprit chinois par lequel tout ce qui est vivant doit être pensé par deux. "Les deux agissent ensemble; pendant que l’un monte sans effort, l’autre descend grâce à l’appui des pieds". L’équilibre de la bicyclette ne tient qu’à son mouvement.
Nous devions déjà à Cyrille J.-D. Javary une traduction remarquable du classique Yi Jing. Le livre des changements (http://
Dans Yin-Yang. La dynamique du monde (http://
Javary décrit ensuite comment cette logique Yin-Yang anime la dynamique non dualiste du monde à travers des illustrations tirées de l’architecture, du langage, de la poésie, de la stratégie, de la médecine et de l’assaisonnement des plats.
Enfin, Javary montre comment Yin-Yang ne peut pas être invoqué pour justifier l'assujettissement des femmes aux hommes et doit, en revanche, être lu dans le sens de la complémentarité entre féminité et masculin afin de rééquilibrer les relations sociales existantes.
Un ouvrage érudit, écrit avec fluidité et nuance, qui montre la proximité des concepts entre civilisation chinoise et spiritualité occidentale, et leur actualité. Comme le vélo.
mardi 3 avril 2018
Ma toolbox EMDR
53 fiches et 39 auteur.e.s traitant des aspects
méthodologiques, historiques, cliniques, scientifiques et neurobiologiques de
la psychothérapie EMDR, sur des thèmes aussi différents que les traumas
récents, complexes, précoces ou transgénérationnels, les peurs et phobies
spécifiques, les deuils compliqués, les violences domestiques ou sexuelles, la
dynamique familiale et les troubles de l’attachement.
Le manuel Pratique de la psychothérapie EMDR.
Introduction, approfondissements pratiques et psychopathologiques, édité sous la direction de Cyril Tarquinio (2017), réunit les contributions des
meilleur.e.s praticien.ne.s européen.ne.s de cette méthode de gestion des
psychotraumatismes recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé pour son
efficacité dans la gestion du syndrome de stress post-traumatique.
Et si le foisonnement des outils disponibles
aujourd’hui pour l’accompagnement des survivant.e.s aux traumatismes psychiques
et l’enchevêtrement des tentatives de modélisation théorique étaient une invitation
à mettre au point ma propre boîte à outils de praticien EMDR ?
Ma boussole, exposée dans la carte heuristique ci-dessous (et téléchargeable ici), s’articule autour de trois aspects
complémentaires, intégrés dans l’intervention clinique :
- Primo,
les « Interactions avec l’autre » décrivent selon quel mode de
communication le patient se rapporte à ce qui est mis en travail
psychothérapeutique. Soit son propre corps vivant abordé comme un
« Je », soit sa relation à autrui, vivant ou défunt, considérée en tant que deuxième personne grammaticale « Tu », soit son accès aux matériaux
traumatiques, le cas échéant dissociés, traités comme un « Il ».
- Secundo,
les « Cibles retraitées », moins selon un axe chronologique (passé, présent et avenir) que selon la visée adoptée. Elle peut être prescriptive (les
objectifs poursuivis par la psychothérapie), constative (l’état des lieux du
problème) ou explicative (les causes profondes des symptômes).
- Tertio, les
« Points d’entrée » dans la matière : image, cognition, émotion
et sensation.
Ces trois aspects intégrés dans l’intervention
clinique s’appuyent sur un « Arrière-plan théorique » comportant les
références bibliographiques et identifiant les prérequis pour une démarche
psychothérapeutique efficace et sécurisante pour la patiente et la
professionnelle.
Libellés :
accompagnement,
attachement,
clinique,
communication,
deuil,
EMDR,
hypnose,
IADC,
intégration,
intersubjectivité,
patient,
psychique,
sécurité,
supervision,
thérapie,
trauma,
traumatisme
mardi 27 mars 2018
Publiciste
Mouvements étudiants et
démocratisation de l’Université, théorie critique de la société et terrorisme
d’extrême gauche, querelle des historiens et réunification de l’Allemagne,
globalisation capitaliste et intégration politique de l’Europe, manipulations génétiques
et devenir de l’espèce humaine, fondamentalismes religieux et revitalisation de
l’espace public politique : tout au long de sa carrière académique, Jürgen
Habermas s’est aussi investi sans relâche comme intellectuel public dans les
débats de société.
Dans la biographie que lui consacre Stefan Müller-Doohm, j’ai découvert avec délice les prises de position du publiciste Habermas : la virulence de ses écrits dans les journaux imprimés, le ton polémique qu’il adopte pour dramatiser les débats médiatiques et la colère fougeuse qu’il peut manifester face à la mauvaise foi intellectuelle ou au retour des postures de pensée autoritaires.
Jürgen Habermas témoigne d’une sincère jubilation à s’impliquer comme citoyen dans l’espace public pour ferrailler, par la force non coercitive des arguments, avec les ennemis de l’Etat de droit démocratique. Un portrait bien documenté qui démontre combien la pratique et la théorie de l’espace public démocratique sont loin d’être des attitudes angéliques.
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/Juergen-Habermas
Dans la biographie que lui consacre Stefan Müller-Doohm, j’ai découvert avec délice les prises de position du publiciste Habermas : la virulence de ses écrits dans les journaux imprimés, le ton polémique qu’il adopte pour dramatiser les débats médiatiques et la colère fougeuse qu’il peut manifester face à la mauvaise foi intellectuelle ou au retour des postures de pensée autoritaires.
Jürgen Habermas témoigne d’une sincère jubilation à s’impliquer comme citoyen dans l’espace public pour ferrailler, par la force non coercitive des arguments, avec les ennemis de l’Etat de droit démocratique. Un portrait bien documenté qui démontre combien la pratique et la théorie de l’espace public démocratique sont loin d’être des attitudes angéliques.
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/Juergen-Habermas
Libellés :
discussion,
émancipation,
espace public,
éthique,
Habermas,
intellectuel,
intersubjectivité,
philosophie,
politique,
Publicité,
reconnaissance,
religion,
responsabilité,
solidarité
lundi 5 mars 2018
Trompe-l'oeil
« Trop nul pour faire pitié : quoi
que j’en pense, je suis bien avec ce que je suis ». Faute d’avoir investi
ma mission de vie, moi, W.B., concierge misanthrope et
affligeant paquet de détestation,
j’ai ciselé mon épitaphe. Dans cette
autobiographie en cours de rédaction, je présente les
différentes entités que je côtoie et donne accès à mon langage intérieur.
Le récit de ma mise en bière déroule les hommages
posthumes de mes compagnons de cellule. Il y a Monsieur Igor, le gorille
cosmique, Bannik, le farfadet potache, Karl-Otto, le technocrate glacial,
Jeromeke, le paladin secourable, Tsim-Tsoum-Yang, l’artichaut mystique, et Navy,
le chœur du Soi. Quelques visiteurs assidus les fréquentent : des Milfs,
des Ephèbes Ephémères et des Papas Poulpes.
Tout a commencé lorsque j’ai renoncé à mes
perversions et au confort qu’elles procuraient. J’ai en même temps liquidé
toute prétention à être exceptionnel. Enjeu : suspendre mes mécanismes de
défense inconscients et me rendre vulnérable aux relations sociales réellement existantes.
Mon calvaire vient de devoir faire semblant. J’ai
rencontré l’amour inconditionnel, et quoi que je fasse pour m’en débarrasser, je
suis forcé d’essayer de rendre la pareille à ma généreuse donatrice. Alors qu’à
l’intérieur de moi règne la désolation, dernier rempart à l’angoisse de néantisation.
Nul n’échappe au poison de la
conditionnalité : tel le scorpion, il se retourne tranquillement sur
lui-même. Jusqu’à secréter la honte d’être inadéquat. Si tu existes, tu es
imparfait, si tu es parfait, tu n’es pas né. Pauvre poisson.
Mon dernier mythe personnel s’est effondré. Je
pensais pouvoir attribuer mon exceptionnalité aux noces sordides d’un violeur
sexagénaire et d’une incestueuse mélancolique. Papa, Maman, les faits n’ont pas
tenu devant la corrosivité de mon jugement interne impitoyable. Quand on ne
s’accorde pas de valeur, on se donne de l’importance.
Comment, sans plus pouvoir être le héros de ma
vie, guérir du mal subi ? La surpuissance repliée sur elle-même sous forme
d’autohumiliation n’est qu’un vain simulacre d’humilité. J’ai longtemps nourri l’espoir secret et mégalomane qu’en convoquant Dieu il répondrait, dans
sa miséricorde, à mes supplications.
Si je retire une certaine jouissance à
m’identifier à un tableau clinique psychopathologique, liquider mes perversions
m’a précipité dans la souffrance. Je suis le seul objet sur lequel m’acharner
sans relâche et sans espoir. A défaut d’être spécial, je fantasme
l’imperfection. Trop lâche pour finir en beauté, je célèbre en grandes pompes funèbres
mon auscultation psychique. Trop envieux pour assumer le risque de mes
ambitions, je sublime ma grandeur déchue en fausse modestie.
Cultiver l’abnégation ne fera pas de moi un
altruiste authentique et, sans attendre d’être démasqué comme imposteur, je m’inflige
avec cruauté un nouveau tourniquet de tourments psychiques. On n’a que le bien
que l’on se donne. Et surtout, on n’est jamais aussi bien desservi que par
soi-même. L’autoflagellation ne me rendra pas disponible pour l’élection
divine.
Comment
authentiquement sacrifier mon Moi grandiose sans brandir le scalp d’Hara-Kiri
en trophée ? Mettre en scène mes propres funérailles
fera-t-il taire tout ce vacarme existentiel ou, ultime trompe-l’œil, est-ce
simplement une nouvelle manifestation de mon narcissisme compulsif ?
jeudi 15 février 2018
Pierre Trigano, "Psychanalyser Jung"
De quoi la vie de Carl Gustav Jung est-elle le nom ?
(Penser avec et contre Jung)
Dans sa somme Psychanalyser Jung (2 tomes parus, 3e volume annoncé), Pierre
Trigano réinterroge l’intention exprimée par Carl Gustav Jung en ouverture de
son autobiographie : « Ma vie est l’histoire d’un inconscient qui a
accompli sa réalisation » (Ma vie. Souvenirs,
rêves et pensées, 1967).
Pierre Trigano analyse comme une totalité en
action les écrits théoriques et cliniques de Jung, les rêves, visions et
correspondances du médecin et de ses patients ainsi que ses prises de position
publiques (dont sa compromission avec le régime nazi) et ses passages à l’acte
dans le cadre professionnel.
Appliquant au Jung vivant la méthode d’interprétation
des faits psychiques que ce dernier pratiquait avec ses patients, Pierre
Trigano dépasse le mythe personnel exposé dans l’autobiographie de Jung ainsi
que le portrait hagiographique que les adeptes et les disciples dressent encore
aujourd’hui de leur maître, monstre sacré fondateur de la psychologie
analytique.
Dans un premier temps, Pierre Trigano met scrupuleusement
à jour l’équation personnelle de Carl Gustav Jung : ayant été abusé enfant par un
proche de sa famille, il cherche à surmonter l’humiliation initiale en
reproduisant à son tour le rôle d’incesteur. Face à la menace d’effondrement de
son Moi en formation, l’inversion et la répétition de l’aliénation semblent
être pour Jung les seules issues pour laver l’objectivation infligée.
Dans un second temps, Pierre Trigano dévoile
le fil secret qui divise toute la vie de Jung et, en même temps, l’enseignement
scientifique et spirituel que le médecin retire de la dissociation traumatique
de sa personnalité. En effet, Jung vit dans sa chair et dans son psychisme le
mal subi du fait de l’archétype masculin en inflation. Or cette expérience
unilatérale par laquelle le Moi boursouflé s’instaure comme unique roi du monde
se fait patiemment miner de l’intérieur par l’épreuve du Tout-Autre : le
Soi, centre transcendant de la psyché et source intemporelle du devenir conscient
en tant que Moi individué.
Quant au contenu, Jung a largement démontré
que le Soi est l’union harmonieuse des contraires, la conjonction non violente
des opposés, la complémentarité respectueuse des réciproques. Les deux
principes premiers de l’humanité y font alliance dans la douceur : le
masculin, comme puissance d’affirmation, d’engagement et d’entreprendre, et la
féminité, comme capacité d’ouverture, de mise en relation et d’amour.
En complément, Pierre Trigano décrit la double
fonction harmonisatrice du Soi. D’un côté, il ordonnance les différents
archétypes unilatéraux évoluant dans l’inconscient collectif et prompts à
usurper la place du Soi. De l’autre côté, il guide chacun des Moi individuels
dans leur intégration (i.e. individualisation)
et dans leur accomplissement (i.e. individuation).
En conclusion, quelle vérité se laisse voir au
travers de l’incarnation de l’homme Jung ?
Psychanalyser
Jung contourne d’abord un double écueil : d’une
part, la réduction psychologisante de Jung au conflit personnel qui le hante,
au motif qu’il n’y a pas de héros pour son valet de chambre, et, d’autre part,
la minimisation des écarts de conduite privée et politique de Jung, sous
couvert de célébrer ses seules œuvres savantes.
Ensuite, Psychanalyser
Jung expose, preuves à l’appui, la cohérence profonde de la personne Jung,
« élue » par le Soi pour faire reconnaître le divin en l’homme aux
yeux et dans les termes de la science occidentale.
Karl-Otto Apel est connu pour ses tentatives
de fondation ultime de la raison en « pensant avec et contre » ses
principaux partenaires de discussion philosophique. Humble serviteur du Soi,
Pierre Trigano nous partage ici l’enseignement reçu par la contemplation de la
vie de Jung : il renouvelle l’ambition de Apel en l’étendant à l’ensemble
des manifestations terrestres de la psyché, sans la réduire au seul mode
« pensée » du Moi exorbitant.
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reconnaissance,
religion,
symbole,
thérapie
mercredi 14 février 2018
Erik Olin Wright, "Utopies réelles"
(Lecture) Contraindre les dirigeants de l’Etat
capitaliste à un nouveau compromis de classe avec la société civile ?
Telle est l’ambition socialiste et démocratique d’Erik Olin Wright dans son ouvrage Utopies réelles (2010), récemment
traduit en français.
Le sociologue américain contemporain élabore
une "science sociale émancipatrice" pour démontrer la faisabilité
de la construction d’un rapport de forces avec les pouvoirs administratif et
économique réellement existants et en vue d’éroder la domination du capitalisme
sur la société. Wright identifie
les leviers concrets travaillant aujourd’hui à la "transformation
symbiotique" du capitalisme plutôt qu’à son renversement ou son
effondrement.
Sur le plan de la démocratie politique, il
s’agit par exemple du budget participatif municipal, du financement public et
égalitaire des campagnes électorales ou des assemblées de citoyens aléatoirement
sélectionnés. Sur le plan de la démocratie économique, le revenu inconditionnel
de base comme investissement non contingent permettrait d’amorcer des initiatives
d’économie coopérative et de développer le secteur d’activités sociales autonomes.
D’autres instruments du "capitalisme social" sont étudiés : les fonds de solidarité
contrôlés par des travailleurs et les fonds de salariés avec prélèvement d’actions.
Considérant que les rouages étatiques sont assujettis
aux intérêts financiers, l’objectif est de reconnecter le pouvoir administratif
et le pouvoir économique au pouvoir social, compris comme pouvoir d’agir
enraciné dans la société civile. Combinant pragmatisme politique et
égalitarisme démocratique, la "boussole socialiste" de Wright permet de conserver le cap vers
une société plus juste pour tou.te.s, tout en détectant les dispositifs
institutionnels déjà à l’œuvre aujourd’hui pour sa réalisation dans le monde.
A la lecture d’Utopies réelles, les révolutionnaires s’indigneront peut-être du
manque de rupture radicale des expérimentations sociales analysées par Wright. Confrontés aux défis climatique
et technologique, les réactionnaires se résigneront-ils à concéder plus
d’autonomie à des travailleurs compétents, surnuméraires et désœuvrés, et à les
laisser développer des formes non capitalistes de production ?
Ouverte aux dynamiques historiques et nourrie
par elles, la démarche de Wright
remet en lumière l’érosion ambivalente du capitalisme : pour se maintenir au pouvoir, les élites dirigeantes de l'Etat capitaliste doivent laisser grignoter sa position dominante au sein du système économique global. Se revendiquant d’Antonio
Gramsci, Utopies réelles illustre
comment, dans les faits, concilier le pessimisme de l’intelligence et
l’optimisme de la volonté.
mardi 16 janvier 2018
Pierre Trigano, "Et le Capitalisme tombera"
(Lecture) Quels enseignements retirer du futur ?
Déceler les signes du divin dans notre quotidien et restaurer chez l'humain sa capacité à faire histoire en conscience : telle est la lecture de l'Apocalypse de Jean que nous offre Pierre Trigano, inspiré par une intelligence nourrie de sagesse.
Pierre Trigano applique à ce texte obscur de la Bible hébraïque la méthode de contemplation prolongée et holiste qu’il utilise pour l’analyse des rêves initiée par Jung et pour l’interprétation serrée des classiques de la tradition philosophique et religieuse.
Cette lecture symbolique mais non rhétorique intègre toutes les manifestations concrètes de l’esprit (politiques, sociologiques, psychiques et physiques) et propose une compréhension exhaustive des signes de notre humanité, déposés de toute éternité.
Mû par le devoir moral de transmettre les messages qu’il a reçus en interrogeant ainsi l’inconscient de la Bible, Pierre Trigano nous expose les raisons d’espérer la liquidation prochaine de la domination capitaliste globale et d’investir dans l’avènement terrestre de la communauté humaine universelle, libre et solidaire.
Si la prédiction aliène notre humanité réduite à des comportements programmés, la prophétie libère notre puissance d’agir dès lors que nous avons collectivement la maturité psychique pour endosser nos responsabilités politiques et renouer l'alliance cosmique.
Telle est la leçon du décryptage par Pierre Trigano de l’Apocalypse de Jean, texte indéchiffrable il y a 1900 ans et dont l’exégèse en profondeur nous livre aujourd’hui les promesses émancipatoires et jubilatoires.
http://www.reel-editions.com/et_le_capitalisme_tombera-par-pierre_trigano-35
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Axel Honneth, "L'idée du socialisme"
(Lecture) Comment rendre au socialisme sa force pratique de changement dans la société en vue de l’émancipation des individus ?
Axel Honneth reformule la promesse inscrite dans la Révolution française: liberté, égalité et fraternité sont les aspects complémentaires de la même "liberté sociale", par laquelle nous agissons "les uns pour les autres", dans l’entraide et la solidarité, plutôt que seulement "les uns avec les autres", comme des propriétaires privés mus par leurs intérêts égoïstes.
Axel Honneth repère deux erreurs de jeunesse qui ont réduit l’utopie socialiste à une doctrine politique parmi d'autres et l’ont déclassée face à notre réalité démocratique. D’un côté, l’héritage industriel devenu obsolète : donner la priorité à l’économie des biens, investir le prolétariat ouvrier d’une mission eschatologique et disqualifier l’action politique sous les lois immuables du progrès historique. De l’autre côté, l’opposition au libéralisme politique, lequel garantit les droits subjectifs individuels protégeant la formation autonome de la volonté de chacun dans toutes les sphères différenciées de la société (famille, marché, Etat).
Le ressort et la finalité de la liberté sociale portée par le socialisme sont de libérer les promesses déjà inscrites dans le présent et d’en universaliser les conditions institutionnelles et les bénéfices concrets pour tous. Dans son actualisation postmarxiste et anticapitaliste du socialisme, Honneth reprend la vision expérimentale de John Dewey : abolir les restrictions empiriques et les déformations systématiques de la communication sociale réellement existante permet aux individus interdépendants d’augmenter leurs interactions réciproques et, ce faisant, de faciliter l’expression de leurs talents particuliers et leur recherche coopérative de la vérité.
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/L-idee-du-socialisme
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responsabilité,
solidarité
Nancy Fraser, "Le féminisme en mouvements"
(Lecture) Et si on incitait "les hommes à ressembler davantage aux femmes telles qu’elles sont aujourd’hui, c’est-à-dire des personnes effectuant un travail de care de base" ? Eclairant renversement de perspective sur les crispations autour de l'égalité femme-homme.
Dans son article "Après le revenu familial" (pp. 153-188 du recueil ci-dessous), la philosophe féministe de gauche Nancy Fraser nous invite à repenser l’Etat-providence postindustriel afin de promouvoir l’équité complète entre hommes et femmes. Elle déconstruit le genre et propose le modèle de "pourvoyeur universel du care".
Il s’agit de prendre le meilleur des deux modèles existants. D’un côté, le modèle du "soutien de famille universel" qui, en prônant l’égalité formelle entre hommes et femmes, force en réalité celles-ci à entrer dans la vision du citoyen-travailleur dominée par un préjugé androcentré. De l’autre côté, le modèle de la "parité du pourvoyeur du care" lequel, sous couvert de préserver la différence de genre, établit une double norme dans les politiques publiques et manque de respect équivalent pour les activités et les modèles de vie dits "féminins".
http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_feminisme_en_mouvements-9782707173645.html
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